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24 mars 2016 4 24 /03 /mars /2016 16:50

 

Date de sortie 16 mars 2016

 

Les Ogres


Réalisé par Léa Fehner

 

Avec Adèle Haenel, Marc Barbé, François Fehner,

Lola Dueñas, Marion Bouvarel, Inès Fehner,

Christelle Lehallier, Patrick d’Assumçao


Genre Comédie dramatique


Production Française

 

Synopsis

 

Ils vont de ville en ville, un chapiteau sur le dos, leur spectacle en bandoulière.

Dans nos vies ils apportent le rêve et le désordre. Ce sont des ogres, des géants, ils en ont mangé du théâtre et des kilomètres.

Mais l’arrivée imminente d’un bébé et le retour d’une ancienne amante vont raviver des blessures que l’on croyait oubliées.

Alors que la fête commence !

 

Les Ogres

Entretien avec la réalisatrice relevé dans le dossier de presse.

Propos recueillis par Claire Vassé

 

D’où vous est venu le désir de réaliser ce film ?


J’ai grandi dans le milieu dont parle mon film, le milieu du théâtre itinérant. Dans les années 90, mes parents se sont embarqués dans cette aventure avec une dizaine de caravanes, un chapiteau, une troupe bigarrée et fantasque et ils ont sillonné la France pour faire du théâtre. (L'Agit créé il y a 25 ans à Balma). Étrangement, quand j’ai décidé à mon tour de raconter des histoires, je crois que j’ai quitté ce milieu pour celui du cinéma parce que j’avais la trouille. La trouille des rues vides où l’on parade mal réchauffés. La trouille de la truculence d’une vie où pour parler au spectateur tu lui postillonnes dessus, où les enfants sont au courant de la moindre histoire de fesse, où tu grandis au milieu des cris, du théâtre et des ivrognes. Et c’est sans parler de l’ingérence de tous dans la vie de chacun, du manque de tunes viscéral dont on clame que cela n’a aucune importance, des frustrations qu’on ressent face à ceux qui réussissent mieux… Mais récemment, tout s’est inversé. Là où je voyais des galères, je me suis mise à voir du courage, cette proximité avec le spectateur m’a fait envie. Les débordements se sont mis à s’inscrire pour moi dans la fête, dans la vie.

Alors au sortir de mon premier film, j’ai eu envie de filmer cette énergie. Mon premier film était sérieux, grave, et après l’avoir beaucoup accompagné en salles, j’ai eu envie d’offrir autre chose au spectateur. J’ai eu envie de faire un film solaire et joyeux, mais joyeux avec insolence et âpreté. J’ai eu envie de filmer ces hommes et ces femmes qui abolissent la frontière entre le théâtre et la vie pour vivre un peu plus fort, pour vivre un peu plus vite.

 

Vous parlez de votre désir d'un film solaire, mais la vitalité qui se dégage du film est puissante, certes, mais pas uniquement gaie. Elle brasse la vie sous tous ses aspects.


Peut-être, parce que je ne m’intéresse pas à l’âge d’or d’une compagnie mais plutôt à ce que l’âge a pu faire de cette compagnie. Je ne suis pas dans l’enfance de leur désir mais quand le désir rame pour être toujours là, quand il faut le provoquer pour qu’il reste vivant… Juste avant que j’écrive ce film, la compagnie de mes parents a fêté 20 ans. L’année avait été très rude, d’une violence inouïe Un des membres de la compagnie avait perdu son fils de 18 ans. Mon père, lui, atteignait cet âge où on hésite entre le désir et l’abandon.

Cet âge où la fatigue de faire ce métier commence à se faire sentir. Mais la fête a été maintenue et elle fut folle, incroyable, débridée. En traversant ce jour avec eux, je me suis dit que c’était de ça dont on avait besoin, qu’il fallait raconter : cette façon de dire merde à la mort et à la douleur par le rire, la musique, les excès ; cette énergie qui purge la tristesse dans le débordement et qui fait un pied de nez à la violence de la vie.

L’âge et les drames avaient érodé l’arrogance et la démesure des ogres de mon enfance et pourtant je les voyais toujours pétris de cette volonté de continuer, de vivre, de croquer le présent.

Mais comment continue-t-on avec nos morts ? Comment continue-t-on avec ce qui est mort en nous ? C’est cette question plus large, plus commune à nous tous qui m’a poussée dans l’écriture de ce film.

 

Les Ogrs - Adèle Haenel et Marc Barbé

 

Adèle Haenel et Marc Barbé

Les Ogres ... Vos personnages portent bien leur nom !


Ce titre fut comme une colonne vertébrale dans notre écriture pour ne pas se laisser aller à la facilité, pour ne pas se faire séduire par la vitalité de nos personnages.

Nous avions envie de parler d’un appétit de vivre éclatant et puissant. Mais il fallait absolument ne pas nous cacher la part de monstruosité ou de violence qui résidait dans cet appétit. Nos personnages devaient être de ceux dont on pourrait se dire "j’aimerais bien les connaître, boire des coups avec eux" mais il fallait le faire sans complaisance, en regardant sous le tapis de leur voracité.
Ces ogres de vie sont aussi capables de bouffer les autres et de prendre toute la place ! Mais c’est aussi ça qui peut devenir passionnant : donner à voir des êtres puissants et drôles, indignes et inconséquents, foutraques et amoureux. Traquer l’ambivalence.
D’une certaine manière, parler des ogres c’est aussi se rendre compte que cette question de la démesure a autant à voir avec le théâtre itinérant qu’avec l’intimité des familles : comment certains y occupent toute la place, comment l’amour peut être dévorant…

 

C'est vrai qu'au delà de ce milieu singulier du théâtre itinérant, le film est d'abord un film sur le groupe, la famille.


Les OgresAbsolument. Ici, toutes les générations se mélangent. Les enfants forment une meute sauvage et libre, les jeunes adultes se débattent dans leur désir de responsabilité. Et c’est sans parler des pères qui se défaussent et prennent toute la place, des mères qui sont tour à tour sublimes ou soumises…

 

On s’aime et pourtant on se fait mal. C’est peut-être ça la grande beauté et la grande douleur des familles : s’aimer et ne pas savoir faire autrement que de s’y prendre mal. Alors le film parle de ça oui, mais pas uniquement par les liens du sang. Parce qu’ici la famille c’est celle qu’on se choisit, qu’on rencontre, avec qui on travaille. À la base de l’esprit de troupe, il y a une utopie du collectif qui dépasse le cadre de la famille, qui pose la question de l’amour plus largement.
Une fois qu’on a dit ça, famille ou troupe, les questions de toute façon se rejoignent : le groupe me fait-il abdiquer ma propre liberté ? Ou au contraire me rend-il plus fort et donc plus capable d’exercer cette liberté ?

Comment s'est passé le processus d'écriture du film ?

J’ai commencé par récolter beaucoup d’histoires sur la troupe de mes parents et sur d’autres troupes de théâtre itinérant. J’ai fait appel à mes souvenirs bien sûr mais sans avoir peur de comment le temps les avait modifiés. À partir de cette matière brute, avec ma co-scénariste Catherine Paillé, nous avons commencé à fictionnaliser les évènements, à tirer les situations pour en faire une histoire de cinéma. Il fallait que cette histoire soit épique tout en restant quotidienne, accrochée aux basques des personnages qui grandissaient sous nos doigts. Très vite nous nous sommes éloignées de la chronique, du portrait d’un milieu. Nous voulions au contraire que le romanesque de ces choix de vie apporte son souffle au film.
Mais le traitement du groupe nous confrontait à des questions de tonalité. Deux films nous ont à ce moment là beaucoup aidées : Festen et Milou en mai. Ce sont des films de groupe mais très différents et nous recherchions justement à être à mi-chemin entre ces deux pôles, à allier la cruauté des sentiments à la tendresse du regard.

On s’est beaucoup amusées à tordre les histoires, à les défigurer, les réinventer. Le désir n’a jamais été d’être fidèle à la réalité mais plutôt d’atteindre une truculence et une vérité, que le film puisse avoir autant à voir avec Asghar Farhadi qu’avec Astérix ! En France on oppose souvent baroque et justesse. Je voulais au contraire montrer comment les deux peuvent se mêler et trouver la sincérité de ceux qui jouent un jeu, la douceur de ceux qui hurlent tout le temps, l’amour de ceux qui se déchirent.

 

Comment écrit-on pour autant de personnages

qui doivent coexister dans le même plan ?


C’était le défi. Faire coexister le collectif et l’individu. Le sujet est au centre du film et j’avais envie que la forme finale soit à l’unisson de cette thématique.
Nous avons alors essayé de concevoir des scènes qui soient des mille-feuilles d’action, où le premier plan tisse une ligne dramatique alors qu’au second une histoire est en train de débuter et qu’au dernier chacun vient mettre son grain de sel dans les deux autres. Et tout cela la plupart du temps dans le mouvement, le rush, la crise ou la danse.
Mais à la fin de la première écriture, nous ressentions pourtant un manque, une difficulté encore à trouver cet humain concert. Grâce à une subvention de la région Midi-Pyrénées, j’ai alors décidé de faire improviser une dizaine de comédiens de la troupe de mes parents à partir du traitement déjà écrit.

Les OgresCes séances d’improvisations, que j’ai filmées, se sont révélées être très drôles, généreuses, dingues. Elles nous ont beaucoup aidées à trouver cette volubilité et comment, sous ce magma de mots, des phrases tabous et minuscules n’arrivent pas être dites : j’ai peur, je ne veux pas vieillir, je t’aime…

 

Il y a comme une forme de pudeur derrière cette profusion.

Vous saviez d'emblée que vos parents et votre sœur joueraient dans le film ?

 

Non, c’est vraiment l’aboutissement d’un processus, lié à ces improvisations, pendant lesquelles le noyau familial s’est livré avec une intensité qui m’a questionnée. Ils étaient généreux sans être impudiques. Fiévreux sans tomber dans le psychodrame. Petit à petit, il m’est apparu comme une évidence qu’il fallait que j’accepte de jouer avec le feu. C’était la chose la plus cohérente à faire, et en même temps complètement folle.

 

Pourquoi elle ?


Car c’était mettre en danger des relations qui sont vivantes et fragiles. C’était mettre mon père dans la position d’être dirigé par sa fille. C’était s’amuser à écrire à partir d’une histoire qui est encore en train de s’écrire. C’était prendre le risque tout d’un coup que quelque chose d’intime m’empêche de me sentir le droit d’aller trop loin. Mais je crois que j’avais besoin de cet inconfort de la réalité qui se mélange à la fiction pour ce film-là. Sur le tournage, j’ai été troublée par leur abandon. Et troublée par leur capacité à se trahir, à se réinventer un personnage. De toutes façons, est-ce si compliqué que ça de filmer ses proches ?
Le plus fragile et le plus difficile, c’est d’aimer ses acteurs et que cet amour ressurgisse dans le film. Là d’une certaine manière, on peut dire qu’une grande partie du travail était déjà faite…

 

Votre fils joue aussi dans le film ?


Oui. C’est la petite histoire sous le tapis de ce que raconte le film, mais oui. Mon fils, les enfants de ma soeur ont joué dans le film. Et le père de mes enfants, Julien Chigot, a monté le film.
À l’image de ce que raconte le film, je crois que j’avais moi aussi besoin d’expérimenter ce mélange entre vie et travail. Je n’ai pas cherché à me préserver mais cela dans le seul et unique but de voir cette friction entre la réalité et la fiction nourrir le film. Profondément. Ce n’est pas une mince affaire de faire un métier de passion comme le nôtre, aussi dévorant, quand on a des enfants. Alors comment on s’en sort ? Pour ma part, peut-être effectivement en embarquant ma famille dans l’histoire. En choisissant de faire un cinéma de tribu, avec la famille mais aussi avec les gens qu’on aime et qui viennent se rajouter à votre "troupe". C’est un pari fou de tout mélanger pour ne rien sacrifier. Mais c’est aussi un immense plaisir. Et j’espère que cela rejaillit sur l’énergie du film.

 

Et le reste du casting ?


On a cherché partout, dans la compagnie de mes parents, dans le cinéma, dans le cirque, dans notre vie quotidienne, dans d’autres compagnies… On a fait le casting comme on constitue une troupe, avec des gens qui sont historiquement là, des gens qu’on rencontre sur le bord du chemin, des gens dont on tombe amoureux. J’ai choisi des gens qui ne collaient pas forcément aux rôles écrits au scénario mais dont je me suis dit que la puissance de la personnalité allait inonder l’histoire et l’aventure du film.
Et puis le scénario était très écrit, précis, dialogué – on a un plaisir des mots avec Catherine et Brigitte Sy (l’autre co-scénariste du film). J’ai donc aussi cherché des acteurs capables de mettre un coup de pied là-dedans, d’amener leur fantaisie et d’inventer à côté de ce scénario pour qu’il y ait une lutte sur le plateau.

 

Pour lire la suite, cliquez Ici.

 

Les Ogres

Mon opinion

 

Un film bruyant et brillant à la fois.

 

Le scénario peut dérouter, mais difficile de rester indifférent. Réalisatrice et scénariste, Léa Fehner connaît parfaitement la vie de ces troupes de théâtre ambulant. "J’ai eu envie de faire un film solaire et joyeux, mais joyeux avec insolence et âpreté. J’ai eu envie de filmer ces hommes et ces femmes qui abolissent la frontière entre le théâtre et la vie pour vivre un peu plus fort, pour vivre un peu plus vite." Le résultat est là, et réussi.

 

Au fil des scènes qui s'enchaînent il sera question d'amour, de trahisons ou de ruptures. De réconciliations, aussi. Tout paraît exagéré. Mais la grande force de ce film est de rendre chaque personnage tour à tour attachant, exaspérant, indécis, paumé, triste ou joyeux. Autant de situations dans lesquelles tous les acteurs font preuve d'un grand talent. L'ensemble du casting est parfaitement crédible.

 

De Marc Barbé éblouissant à la superbe Lola Dueñas. Le père, la mère et la sœur de la réalisatrice sont magnifiques. Concernant Adèle Haenel, la réalisatrice commente : "C’est un soleil cette comédienne. Avec autant de lumière que de puissance et de danger potentiel." Tout un talent qui devrait exploser, aussi, dans d'autres rôles.  Patrick d'Assumçao, dans une simple participation est toujours parfait. À quand un grand rôle pour cet excellent acteur ?

23 mars 2016 3 23 /03 /mars /2016 23:59

 

Date de sortie 21 janvier 2015

 

Marussia

 

Réalisé par Eva Pervolovici


Avec Dinara Droukarova, Marie-Isabelle Stheynman,

Sharunas Bartas, Dounia Sichov, Georges Babluani,

Madalina Constantin, Alexei Ageev

et la participation de Denis Lavant


Genre Drame


Productions Française, Russe

 

Synopsis

 

Lucia (Dinara Droukarova), une maman russe de 35 ans, et Marussia (Marie-Isabelle Stheynman), sa petite fille de six ans, errent dans les rues de Paris, valises en main. Elles cherchent chaque nuit un endroit où dormir au gré des rencontres et du hasard.

Malgré l'incertitude et le regard désapprobateur de leurs compatriotes, la mère et la fille partagent de tendres moments.

Est-ce assez pour tenir ?

Un beau conte urbain vu à hauteur d'enfant, qui sait voir et trouver les merveilles dans le trivial, mais aussi regarder la réalité en face.

 

Marussia

Eva Pervolovici est une jeune réalisatrice d’origine roumaine qui compte à son actif une impressionnante liste de courts métrages, vidéos artistiques, photographies et collaborations à l’écriture de romans et magazines d’art. Quels que soient les supports ou styles d’expression, son travail hétéroclite se concentre sur la même intention: rendre visible la subjectivité en laissant s’exprimer le surréalisme de la vie quotidienne.


Après des études de cinéma à Bucarest, Edimbourg et Paris, Eva Pervolovici, et l’originalité de son travail, ont été présentés et récompensés dans de nombreux festivals du monde entier. Elle a participé au Talent Campus de Berlin, Sarajevo et Rejkjavik. En 2010, la sélection pour le prix Berlin Today Award lui permet de réaliser un court-métrage Little Red, qui sera présenté au festival de Berlin 2011. Ses court-métrages LubaBen et Mina ont été présentés au festival de Rotterdam 2011. Dans ses derniers courts-métrages, notons Quiara Ah !, qui est inspiré d'une expérience personnelle, et questionne le rapport de force entre la mise en scène et la réalité. Lors d'une audition, une actrice chilienne voit ressurgir des moments traumatisants de son passé, en essayant de plaire à un réalisateur assoiffé de vraie souffrance.

Ovo, réalisé en 2013 est remarqué au Festival du film Roumain de Toulouse. C'est l'histoire d'Ovo qui a 5 ans. Mais il n’est jamais sorti du ventre de sa maman. Sa sœur ainée, Mila, veut qu’il sorte, tandis que leur mère voudrais être enceinte pour toujours.

Actuellement, elle développe plusieurs projets de fictions et de documentaires. Depuis 2008, Eva vit et travaille à Paris.

Interview de Camille Jouhair distributeur du film avec la réalisatrice, Eva Pervolovici.


Qu’est ce qui vous a motivé pour réaliser un film tel que Marussia ?


C’était vraiment la rencontre avec la petite Marussia. Je ne cherchais pas un sujet à l’époque, ou je ne me suis pas dit que je voulais faire un film avec des personnages russes à propos d’immigration. Tout simplement, un jour, il y a cinq ans, j’étais dans une salle de cinéma pour une masterclass de Nikita Mikhalkov, et Marussia, qui avait 3 ans à l’époque et ne parlait pas du tout français, est venue me parler en russe, jouer avec moi et je suis tombée sous son charme instantanément. Je n’écoutais plus du tout la masterclass, on a fait des photos ensemble. C’est grâce à cette rencontre que tout a commencé et que j’ai voulu raconter cette vraie histoire.

 

Cette histoire vraie, de quelle manière l’avez-vous connue ?


Après avoir rencontré la petite Marussia, j’ai regardé dans la salle et je me suis demandée à qui appartenait cette enfant. J’ai vu sa mère et je lui ai demandé son numéro de téléphone, ce que d’habitude je ne fais pas car je suis plutôt timide et que je n’aborde pas les inconnus comme je l’ai fait là. C’était un coup de chance car j’aurais pu rentrer chez moi sans son numéro. Ensuite, petit à petit j’ai commencé à les voir toutes les deux, à apprendre leur histoire. Mais je me suis rendu compte que l’on n’allait pas faire un documentaire ni une adaptation exacte de l’histoire vraie, et c’est bien là tout le travail qu’on a fait ensemble avec Dinara, de créer un personnage de fiction à partir des personnages de la réalité sans que cela soit une reproduction exacte de la réalité.

 

Cette histoire a-t-elle été racontée quelque part, dans un cadre littéraire ou autre, ou bien est-ce une histoire que les gens ont véhiculé sur cette femme, à cause de son parcours ?

 

Ce sont des petites histoires qu’elle m’a racontées mais c’est aussi moi qui ai passé du temps avec elle pendant une année. Je l’ai suivi avec une petite caméra 5D. Je filmais des scènes qui sont en fait les mêmes scènes que dans le film mais avec une mise en scène et des acteurs. Cela mélange des histoires racontées et vécues, de fiction, des histoires que j’ai inventées.


C’était une femme russe qui était mannequin et vivait à Paris, qu’est ce qui fait que sa vie a basculé ?

 

Ce qui m’a intéressée dans son histoire, c’est qu’il ne s’agit pas de l’immigrante typique, du cliché auquel on pense, misérabiliste et moche. C’est au contraire une femme très belle qui a beaucoup de respect de soi, qui a une énergie et une beauté que d’habitude on n’associe pas aux immigrants. C’est le fait qu’elle ne soit pas comme les autres ou bien que les autres ne soient pas comme on pense qu’ils sont qui m’a fascinée.

 

Marussia

A-t-elle accepté assez facilement une adaptation cinématographique de sa vie ?


Oui bien sûr. Pour elle, c’était naturel, c’est ce qui devait se passer.

 

Pour quelle raison cette femme n’a pas pu revenir en France ?

 

Elle avait fait trois demandes d’asile politique, et elle ne l’a pas obtenu. Une fois que la troisième demande a expiré elle est repartie en Russie. Elle n’a plus droit à un visa maintenant, mais je ne sais pas exactement comment fonctionnent les lois françaises à ce propos.


Vous avez proposé le projet à plusieurs productions ?


Je suis allée directement voir Janja Kralj. On avait de très bonnes relations, je lui avais d’abord proposé un court métrage mais elle m’a dit qu’elle n’était pas intéressée par le court métrage, et elle a raison. Du point de vue du producteur, c’est le même effort et le même processus pour faire un court et un long métrage. Je lui ai parlé de ce sujet avant même d’avoir un scénario et on était d’accord pour faire un film. Je me suis donc mise à l’écriture d’un scénario et après quelques mois, on a développé tout le projet ensemble, dès le début.

 

Comment s’est déroulé le casting pour trouver l’actrice qui pouvait incarner ce personnage ?


Marussia.

Le casting a été vraiment dur parce qu’on a mis des mois à avoir toutes les comédiennes russes à Paris. Il y a même des comédiennes de Moscou qui sont venues. C’était vraiment un casting d’envergure pour un petit film sans trop de budget. Dinara s’est imposée comme une évidence, avec sa capacité à tenir le rôle, à créer un personnage qui ne soit pas une copie de la vraie vie mais un personnage qui soit elle. Elle est venue avec son apport créatif pour donner de la chaleur à un personnage de fiction. Aussi sa relation avec Marussia était importante car il fallait quelqu’un qui assumait un double rôle : jouer son propre personnage et faire jouer la petite, qui est un enfant sauvage qui n’a pas l’habitude du jeu ni de vivre dans un cadre.

 

 


Beaucoup de scènes ont été tournées dans la rue, dans des lieux particuliers à Paris car vous avez retrouvé les endroits où elle avait vécu pour essayer de retrouver certains cheminements.


Ce n’était pas exactement les mêmes endroits. On a cherché les décors qui y correspondaient mais c’est vrai que c’est un tournage où, presque 80% du temps, nous sommes dans la rue, en hiver. Ce n’était donc pas des conditions évidentes ni pour Dinara, ni pour la petite Marussia, ni pour l’équipe. C’était dur de tout filmer dans tous ces décors différents, on a eu chaque jour beaucoup de déplacements.

 

Comment avez vous formé l’équipe de tournage, qui était composée de plusieurs nationalités, et comment avez-vous vécu le tournage en France ?


J’habitais en France depuis quelques années donc je savais comment les choses fonctionnent. Janja est d’origine croate mais habite en France depuis une quinzaine d’année. On a formé l’équipe ensemble; Janja ne voulait que des professionnels dans l’équipe même si le budget était très réduit. On avait un ingénieur du son belge, un chef-opérateur mexicain, un premier assistant français; c’était vraiment un mélange de personnalités qui a fonctionné.


Pour conclure cet entretien, je vais vous demander si vous avez d’autres projets ?


Oui, j’ai pas mal de projets. Je viens d’avoir une aide de la part du CNC à l’écriture d’un documentaire. J’ai deux autres projets de documentaires, deux projets de fictions. Je suis en pleine écriture en ce moment.

Dinara Droukarova fait ses débuts au cinéma à 12 ans, elle est révélée par le long-métrage de Vitali Kanevski, Bouge pas, meurs, ressuscite, qui obtient la Caméra d’or au Festival de Cannes en 1990. Elle retrouve le cinéaste russe pour Une vie indépendante puis le documentaire Nous, les enfants du XXème siècle.
Elle poursuit une carrière en France et notamment dans le Fils de Gascogne de Pascal Aubier. Elle apparaît dans Petites coupures de Pascal Bonitzer, et incarne Ada dans Depuis qu’Otar est parti, portrait de trois générations de femmes en Georgie réalisé par Julie Bertucelli. Son interprétation lui vaut une nomination au César du Meilleur espoir féminin.
Depuis elle a travaillé avec des auteurs comme Pascal Bonitzer ou Laëtitia Masson ainsi qu’avec de jeunes réalisateurs tels que Léa Fehner et son très remarqué Qu’un seul tienne et les autres suivront, ainsi que Joann Sfar pour Gainsbourg, vie héroïque, qui a reçu le Prix du Meilleur Premier Film aux César 2011. Elle apparaît également dans le dernier film de Michael Haneke, Amour, Palme d’or au Festival de Cannes 2012.

Suite de l'interview de Camille Jouhair, avec Dinara Droukarova.

 

Dinara, est-ce que le rôle vous convenait ? Car c’est un rôle profond d’une femme libre, pleine de doute. Comment êtes vous entrée dans le sujet du personnage, d’une mère et d’une actrice ?


MarussiaPour moi c’était intéressant de faire un film sur les relations entre une mère et sa fille qui sont à un moment donné dans des circonstances extrêmes, et suivre la relation entre elles. Parfois la maman est plus petite que la fille, dans le sens où elle est complètement enfantine dans ses gestes, dans ses choix.

 

C’était chouette car on a travaillé ensemble, et j’aime faire un film quand il y a un travail d’équipe. Quand on s’est rencontré avec Eva, le scénario était déjà très avancé mais on a travaillé toutes les trois avec Janja. J’ai assisté à des séances où l’on s’inspirait de l’histoire de Marussia et de Larisa. Ce qui est intéressant pour moi, en tant que comédienne, c’est de les avoir comme point de départ mais de ne pas faire une histoire calquée sur Larisa, pour pouvoir imaginer d’autres facettes.


Vous êtes d’origine russe. Quelles étaient vos relations avec la communauté russe et les autres acteurs russes ? Car j’ai appris que les russes n’aiment pas trop que l’on montre la "décadence" de la personne à l’étranger. L’avez-vous ressenti quand vous deviez par exemple chercher des lieux ? Les gens connaissaient-ils Larisa ?


Peut-être pas pendant le tournage, mais plus lorsque le film a été montré. Par exemple le film a été montré à Honfleur et un spectateur français posait des questions alors que les spectateurs russes étaient presque choqués de voir cette femme russe qui débarque à Paris, qui se retrouve à la rue et qui n’arrive pas à travailler, à donner une vie normale à sa fille. Ces gens n’arrivaient pas à réaliser que ca existait. Ils n’aimaient pas cette image qu’on donne, sauf que ce n’est pas une image de toutes les femmes, c’est une histoire imaginée. Le film de Zviaguintsev est sorti, et les russes n’aiment pas quand on montre ça. En Russie, on aime les films de princes et de princesses.

 

Vous avez pratiquement tenu le film à bout de bras en tant qu’actrice principale du film. Vous étiez presque dans tous les plans. Comment s’est passé le tournage en France, avec une équipe assez cosmopolite et avec des séquences qui n’étaient pas faciles sur le plan du regard, du toucher, à propos de la religion?


J’adore les tournages différents. Celui-là était formidable parce que l’équipe était internationale, réduite, et nous n’avions pas beaucoup d’argent donc nous devions être inventifs et très mobiles. J’ai beaucoup apprécié cela car c’étaient des tournages dans la rue. Avec les enfants, ce n’est pas évident de tourner car il faut être très souple. Ce qui était compliqué c’était de travailler avec l’enfant : ça peut être magnifique comme cela peut être désespérant, car parfois on est tous prêt et il peut être fatigué, il n’a pas envie ou ne comprend pas.


À la sortie du film, pensez-vous que la communauté russe parisienne pourrait y être sensible, qu’on pourrait les inviter à un débat assez critique, ou pensez-vous que ce sera une communauté qui refusera le film, peut-être même qui pourra donner des avis négatifs ? Comment voyez-vous votre avenir au niveau du cinéma, quels sont vos objectifs futurs ?


Moi j’aimerais bien que tout le monde voit le film, toutes les communautés possibles et imaginables. La communauté russe existe effectivement à Paris, mais je ne veux pas spécialement m’adresser à elle en particulier. C’est l’histoire d’un personnage qui n’est pas comme les autres.

 

Marussia

Vous avez tourné dans des lieux d’accueil. Etait-ce facile de tourner dans ces endroits ? Spécialement la séquence avec les femmes sur les lits superposés. Comment se passe ce genre de tournage ?


Eva Pervolovici : Le tournage était très difficile. On a eu des décors confirmés qui finalement étaient impossibles à faire. On avait déjà fait un premier storyboard avec mon chef opérateur dans des décors et même dans des foyers sociaux qu’on n’a finalement pas pu utiliser. On en a trouvé d’autres. La scène avec les lits superposés et celle où elle trouve un appartement sont filmés dans de vrais foyers. Les gens y sont finalement très accueillants.


Dinara Droukarova. : Oui, ils sont accueillants, mais j’avais la chair de poule. Ce lieu m’a marquée par son odeur, par sa neutralité, sa lumière, ses draps en plastique. Ce qu’on voulait montrer dans le film, c’est que les adultes voient un côté des choses alors que les enfants voient sous ce drap en plastique tout un monde imaginaire, féérique. Le but le plus important du film était de voir à travers les yeux d’un enfant les situations extrêmes qu’il vit.


Camille Jouhair conclue : J’ai appris pas mal de choses dans le film à propos du 115, de l’accueil des foyers, et comment les chambres sont redonnées le soir lorsque la personne ne revient pas après une certaine heure, sans se soucier de ce que devient cette personne pendant la nuit.

 

En tant que distributeur, pour moi c’est un film ouvert à tous les sujets, petit par la taille, mais grand par toutes les idées et les sujets qu’il contient, comme la féminité, tout le drame humain de quelqu’un qui se cherche et qui cherche à avoir sa place dans une cité sans mendier.

 

Marussia

23 mars 2016 3 23 /03 /mars /2016 18:40

 

Date de sortie 23 mars 2016

 

Rosalie Blum


Réalisé par Julien Rappeneau


Avec Noémie Lvovsky, Kyan Khojandi, Alice Isaaz,

Anémone, Sara Giraudeau, Philippe Rebbot, Nicolas Bridet, Camille Rutherford


Genre Comédie


Nationalité Français

 


D'après le roman graphique éponyme de Camille Jourdy (Éditions Actes Sud)

 

Synopsis

 

Vincent Machot (Kyan Khojandi) connaît sa vie par cœur. Il la partage entre son salon de coiffure, son cousin Laurent (Nicolas Bridet), son chat, et sa mère Simone (Anémone) bien trop envahissante.

Vincent n'a jamais fait de choix dans sa vie. Comme beaucoup, à une période de son existence, il fait ce qu'on attend de lui et il se réconforte en pensant "c'est comme ça". Il se convainc qu'il n'y a pas d'autre possibilité, en se laissant porter par la vague. Du coup, il se met en veille.

Mais la vie réserve parfois des surprises, même aux plus prudents... Il croise par hasard Rosalie Blum (Noémie Lvovsky), une femme mystérieuse et solitaire, qu'il est convaincu d'avoir déjà rencontrée. Mais où ?

Intrigué, il se décide à la suivre partout, dans l'espoir d'en savoir plus. Il ne se doute pas que cette filature va l’entraîner dans une aventure pleine d’imprévus où il découvrira des personnages aussi fantasques qu’attachants.

Une chose est sûre : la vie de Vincent Machot va changer…

 

Rosalie Blum - Kyan Khojandi

 

Kyan Khojandi

Entretien avec Julien Rappeneau relevé dans le dossier de presse


Comment avez-vous eu l'idée de transposer le roman graphique de Camille Jourdy ?


D’abord parce que c’est une formidable histoire et que les histoires formidables sont rares ! J’ai découvert la bande-dessinée de Camille Jourdy au moment de la parution du troisième volume en 2009. J’ai été immédiatement touché par ces personnages, complexes et attachants, séduit aussi par l'univers délicat comme par le principe narratif. Il y a trois ans, quand j’ai eu envie de passer de l’écriture de scénarios à la mise en scène, j’ai relu la trilogie d’une traite en retrouvant de manière plus forte encore les sensations que j’avais éprouvées lors de la première lecture. La transposition de cette histoire m'est alors apparue comme une évidence. Comme si cette Rosalie, qui correspondait si bien à ma sensibilité, avait infusé en moi. Je me suis d'autant plus enthousiasmé pour ce projet qu'il y avait là une vraie singularité et que je pouvais y injecter des choses personnelles. Le tout en racontant une histoire intrigante, en mouvement, et en adoptant un ton à mi-chemin entre humanité, émotion et humour. J'ai donc contacté les producteurs Michaël Gentile et Charles Gillibert qui détenaient les droits de ce roman graphique pour lequel ils avaient également eu un coup de coeur.

 

Qu'est-ce qui vous a intéressé chez ces personnages que le cinéma représente rarement ?


Ce qui me touche chez eux, c'est qu'ils sont arrêtés à un moment de leur vie : ils sont bloqués par leur peur, par leur histoire familiale, par leur solitude, et ils n'arrivent plus à prendre leur vie en main. Or, grâce à cette étrange histoire de filature, chacun d’entre eux va connaître une remise en mouvement.

 

Rosalie Blum - Alice Isaaz et

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En filigrane, il y a l'idée que même si on doit parfois attendre longtemps, quelque chose de positif et d’inattendu peut toujours survenir. C’est une fable résolument optimiste. L’intrigue se déroule dans une petite ville de province, mais chacun d'entre nous peut s’y retrouver.

 

 

 

 

C’est la force de cette histoire à la fois intimiste, particulière et universelle : nous avons tous pu, à un moment donné, nous sentir sur la mauvaise route, paralysé par la peur, avant de retrouver une dynamique pour s’en sortir.

 

Comment s'est déroulée l'écriture ?

Le découpage en trois parties s'est-il imposé très en amont ?


J’ai écrit seul en partant régulièrement m’isoler en Bretagne. Dès le départ, j’ai pensé le film comme un triptyque en utilisant des cartons avec le nom des personnages. Le romangraphique est lui-même en trois volumes, mais ils ne sont pas intitulés de la même façon. J'ai lu et relu la BD pour bien m'imprégner de son esprit, puis je l'ai refermée pour l'adapter. J’ai commencé par bâtir une structure. Celle de ce film est particulièrement délicate à mettre en oeuvre car tout en devant faire avancer l’histoire, elle s’appuie sur des changements de points de vue. J’ai pris beaucoup de plaisir à jouer avec le spectateur, à ménager des surprises et du suspens. Mais le plus gros travail d’écriture était de trouver le ton juste sur les personnages dans un film qui peut être à la fois drôle, émouvant et intriguant. Je n’ai pas voulu m’enfermer dans un film de genre à proprement parler, mais plutôt m’inscrire dans un état d’esprit qui mêle toutes sortes d’émotions. J’aime beaucoup ça au cinéma. Il fallait donc trouver le bon équilibre dans ce métissage des genres, sans perdre le spectateur en route.

Vous diriez que c’est un feel-good movie comme disent les anglo-saxons ?


Je ne me suis pas dit au départ "Tiens je vais faire un feel-good movie". Mais aujourd’hui, alors que je commence à montrer le film au public, j’entends souvent des spectateurs me dire que le film leur a fait du bien. Si c’est le cas, tant mieux.


Quelles libertés vous êtes-vous autorisées dans l’adaptation ?


Toutes ! Mais comme la BD comporte beaucoup d'éléments transposables et très réussis, j'y suis resté fidèle à plusieurs égards. En termes de rythme, le film s'éloigne du livre parce qu'un film ne peut pas se raconter de la même façon qu'une BD. J’ai dû enlever des choses, en inventer d’autres, trouver ma propre musique notamment dans les dialogues. Pour mieux connaître les personnages, je leur ai ajouté certaines caractéristiques comme par exemple les saignements de nez de Vincent ou encore le fait que Aude fasse de la photo. Sur le plan de l’histoire, j'ai entre autres modifié des événements du passé de Rosalie ou travaillé différemment la façon dont les personnages se rencontrent et agissent dans la troisième partie.

 

Peut-on dire que ce sont trois solitudes - Vincent, Aude, Rosalie - qui se rencontrent ?


Absolument. Par un jeu de hasards assez savoureux qui mêle ludisme et mystère.


Avez-vous rencontré Camille Jourdy ?


Bien sûr. Quand j’ai choisi de me lancer dans l’aventure, je l’ai rencontrée avec mes producteurs. Je voulais me présenter, lui expliquer ce que j’avais en tête. C’était un peu la rencontre de deux timides. On s’est très bien entendu. Elle m’a fait confiance et je suis parti écrire le scénario. Je lui ai fait lire mon adaptation. Et puis, plus tard, elle est passée nous voir sur le tournage alors que nous étions chez Rosalie Blum. C’était émouvant de la voir se promener dans la maison du personnage qu’elle avait créé à l’origine.

 

Comment a-t-elle réagi en découvrant le film ?


C’est toujours difficile de répondre à la place de quelqu’un. Mais elle m’a dit l’avoir beaucoup aimé, ce qui m’a évidemment touché. Je crois qu’elle y a retrouvé son univers et apprécié les nouveautés que j’y avais apportées.

Pourquoi Vincent ne parvient-il pas à s'affranchir du joug de sa mère ?


Rosalie Blum.

Vincent est le fils unique d'une femme possessive et farfelue qui vit seule depuis la mort de son mari. Son fils est son seul lien avec le monde extérieur. Elle sait parfaitement sur quels boutons appuyer pour le faire culpabiliser dès qu'il s'éloigne d'elle. Ça remonte à loin. Et puis, si Vincent ne s’est pas encore émancipé c’est aussi parce qu’il s’est installé dans un certain confort.

 

 

Il a son appartement en-dessous de chez sa mère, il a repris le salon de son père, il a une petite vie tranquille. Dans le fond, Vincent s'en veut de s’engluer dans ses petites habitudes qui le minent. Sur le papier, il ne manque de rien, mais en réalité il manque de tout : d’envies, de projets et d'amour.


Comment expliquer qu'il se mette à suivre Rosalie, cette inconnue, du jour au lendemain ?


Quand il rencontre Rosalie dans son épicerie, Vincent est convaincu de l’avoir déjà vue. Mais impossible de savoir où, quand, ni comment. Cela nous est tous arrivé, cette sensation de déjà vu qui peut parfois se révéler assez obsédante. Alors, quand il la recroise, Vincent se décide à la suivre pour savoir qui elle est. Il y prend vite goût car cela pimente sa vie. Suivre Rosalie bouscule ses habitudes. Il se met à fréquenter des lieux où il n’allait jamais. Mais bientôt, le voilà pris à son propre jeu. Cette Rosalie, solitaire et mystérieuse, finit par l’intriguer. Il a envie d'en savoir plus et il s'attache à elle.

 

Est-ce une manière de se trouver un petit espace de liberté ?


La filature de Rosalie, c’est le jardin secret de Vincent. Il n'en parle à personne, pas même à son cousin qui est aussi son meilleur ami. D’une certaine manière, il se construit une intimité qu'il n'a plus. Sa vie sentimentale est au point mort depuis que sa copine Marianne est à Paris et qu’elle ne lui donne presque pas de nouvelles. Quant à l’intimité chez lui, elle est toute relative, vu que sa mère cogne au plafond dès qu’elle veut lui parler ! J’aime l’idée qu’en suivant Rosalie, Vincent ne sait pas très bien lui-même ce qui lui arrive. Il est dans l'action, n'analyse pas ce qu'il fait. Cela va lui échapper et entraîner des bouleversements qu'il n'a pas anticipés.

 

Croit-il à sa relation avec Marianne ?


Rosalie BlumIl s'y raccroche comme à une bouée. Mais au fond de lui, il a conscience que cette relation sentimentale va dans le mur.

C'est souvent plus confortable dans la vie de ne pas s'avouer certaines choses. Avec Marianne, comme sur d’autres choses, Vincent est dans le refoulement au début du film. Mais, au fur et à mesure, il va davantage laisser remonter les choses et agir.

Aude est-elle dans le renoncement ?


Aude (Alice Isaaz) est une jeune femme de 25 ans qui passe beaucoup de temps à ne rien faire. En fait, si elle glande c’est qu’elle n’a pas encore trouvé sa place. Elle se sent incomprise par sa famille qu’elle ne voit presque plus et qui ambitionnait pour elle une voie toute tracée. Elle a arrêté la fac mais n’a aucune envie d’enchaîner des petits boulots. Quant à sa vie sentimentale, la rupture avec un ex-copain qui l’a larguée pour une autre semble l’avoir vaccinée pour un temps. Du coup, malgré son jeune âge, Aude a effectivement renoncé à se bouger. Par peur sans doute d’affronter ce dont elle aurait réellement envie. Entourée de ses fidèles copines et de son atypique colocataire, elle dérive lentement. Dans le fond, elle n’attendait qu’une étincelle pour se remettre à bouger. Et cette étincelle, c’est Rosalie qui va la provoquer.


Elle ressent une grande proximité avec sa tante Rosalie.


C'est ce qui me touche beaucoup dans leur relation. Parfois, dans sa famille, on a quelqu'un d'un peu éloigné dont on se révèle plus proche que d'un parent, d'un frère ou d'une soeur. Le film raconte aussi comment ces deux personnages vont se connecter, se faire mutuellement du bien. Je pense que l’une et l’autre se reconnaissent des traits de caractère communs. Toutes les deux, par exemple, à des époques différentes évidemment, se sont senties comme étrangères dans leur propre famille.

 

Pourquoi accepte-t-elle de prendre Vincent en filature ?


Elle se sent aussi valorisée par ce service que lui demande Rosalie. Et puis ça lui donne quelque chose à faire. Elle y voit un côté ludique d'autant plus que sa copine Cécile l'y pousse ardemment. Aude est aussi très curieuse : elle se demande pourquoi cet homme suit sa tante, avant de se laisser prendre par son propre jeu. D'abord amusée, elle finit par s’intéresser à ce Vincent Machot.

 

Rosalie Blum - Alice I

 

Alice Isaaz


Rosalie est enveloppée d'une aura de mystère…


Je ne voulais pas que le film soit une pure chronique sur des gens seuls qui se rencontrent. Il y a une vraie intrigue avec des éléments de suspens. Comme Vincent, puis Aude, on s’interroge sur Rosalie. Pourquoi cette femme vit seule un peu coupée du monde ? Pourquoi se rend-t-elle régulièrement à la prison ? A travers le regard de Vincent et de Aude, on comprend peu à peu les choses. Rosalie est un personnage extrêmement touchant. On sent bien que quelque chose s’est cassé à un moment donné.

Comment avez-vous choisi les trois acteurs principaux ?


J'ai écrit sans trop penser aux acteurs pour me concentrer sur les personnages et les connaître le mieux possible. Puis, j’ai abordé la phase du casting. Je suis content d’avoir pu tisser des liens entre différentes générations d’acteurs et mélanger plusieurs familles. Pour Vincent Machot, qui est une sorte d'antihéros, j’ai rapidement pensé à Kyan Khojandi. Je l’avais découvert comme beaucoup dans Bref sur Canal Plus. Je trouve qu’il dégage beaucoup d’empathie. Il a un côté maladroit et beaucoup de charme. Quand je lui ai proposé le rôle, je ne l’avais encore jamais vu au cinéma. Mais en l’entendant me parler du scénario, du personnage, j’ai su que c’était le bon choix. Noémie Lvovsky, dont j’admire aussi le travail comme réalisatrice, est une grande actrice. C’était naturel d’aller vers elle pour le rôle de Rosalie. Elle m’avait beaucoup touché dans son film Camille Redouble Je sentais qu’elle pourrait dégager le désarroi profond dans lequel vit Rosalie Blum mais qu’elle avait aussi en elle de la fantaisie. J’ai été lui porter le scénario un jour chez elle et faire connaissance. Elle m’a rappelé le lendemain pour me dire oui. Ça m’a porté. Avoir la confiance de Noémie Lvovsky, ce n'est pas rien. Au moment du casting est sorti La crème de la crème de Kim Chapiron. C'est là que j'ai découvert Alice Isaaz. J'ai trouvé qu'elle était très jolie, excellente actrice. J’aimais notamment beaucoup sa voix grave qui tranche avec son physique. On s'est rencontrés et je l'ai choisie rapidement. J'ai découvert sur le tournage à quel point elle a une vraie capacité émotionnelle.

 

Et les seconds rôles ?


Rosalie Blum - Anémone.

 

Pour incarner Simone, la mère possessive de Vincent, j’ai très vite pensé à Anémone. Je la savais capable d’apporter la dimension farfelue du personnage tout autant que sa facette plus dramatique. Ça s’est très bien passé entre elle et Kyan qui joue son fils.

 

 

 

 

 

Rosalie Blum - Philippe Rebbot

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J’avais vu Philippe Rebbot, l’acteur qui joue le colocataire, dans plusieurs films où je l’avais toujours trouvé très bon. Il dégage vraiment quelque chose du personnage avec une dégaine qui lui est propre. Il est extrêmement drôle.

 

 

 

 

J’ai lancé un casting avec Gigi Akoka pour trouver les deux comédiennes qui interprèteraient les copines d’Aude. Je voulais composer un trio dont on sente immédiatement la complicité. Sara Giraudeau (Cécile) est très inventive, elle propose des choses, et elle a un sens inné de la comédie. Je la trouve extrêmement drôle elle aussi. Je ne connaissais pas Camille Rutherford (Laura) mais en la découvrant au casting, j’ai su qu’elle s’intègrerait très bien à l’univers du film. Tout comme Nicolas Bridet qui joue Laurent, le cousin de Vincent.

 

Comment les avez-vous dirigés ?


C’est mon premier film. Je n'avais jamais tourné de ma vie, ni même réalisé de court métrage. J'ai donc appris en faisant. Mais je savais exactement ce que j'attendais de chaque personnage et où je voulais aller. Nous avons fait des lectures pour qu'ils apprennent à se connaître et pour que je me familiarise avec leur travail. Cette phase a permis aux acteurs d'entrer dans leurs rôles. C'était aussi utile pour affiner certains détails du script ou quelques dialogues. Une fois sur le tournage, même si je le savais théoriquement, j'ai découvert à quel point chaque comédien est différent dans sa psychologie, sa manière de se préparer et de s'inscrire dans la scène. La direction d'acteur, c'est aussi comprendre cette différence. J’ai essayé d’être à l’écoute et en même temps toujours précis sur ce que demandais.

 

Rosalie Blum - Nicolas Bridet et Kyan Khojandi

 

Nicolas Bridet et Kyan Khojandi

Pourquoi avez-vous tourné à Nevers ?


Comme dans la BD, l’action du film se déroule dans une petite ville de province. Visuellement, c’est l’une des choses qui m’attirait. J'avais beaucoup aimé le travail de Raymond Depardon sur la France où il avait photographié beaucoup de villages et de petites communes. En cherchant le lieu de tournage, je voulais retrouver un peu de cette atmosphère. Je ne voulais pas choisir une ville trop marquée régionalement, que l’on aurait pu identifier immédiatement comme étant au Nord ou au Sud, à la mer ou à la montagne. Alors j’ai été seul me promener dans plusieurs villes en régions Centre et Bourgogne. En arrivant à Nevers j’ai su que je tournerai là. J’ai aimé la sinuosité des rues, le relief, les couleurs, et la présence de la Loire. Il y avait du charme et une dimension modeste qui convenaient parfaitement au sujet. Plus tard, en choisissant les lieux de tournage, je voulais faire en sorte que le spectateur finisse lui aussi par connaître la ville où vivent les personnages, qu’il en ressente l’ambiance et la géographie.


Quel style visuel souhaitiez-vous donner au film ?


Rosalie Blum est un conte, mais un conte réaliste. Je ne voulais pas d’un film dans un style naturaliste, ni dans un univers visuellement très chargé, artificiel, qui aurait enlevé de l’authenticité aux personnages. Il fallait trouver le bon dosage avec notamment une certaine douceur dans la lumière ou le choix des couleurs. C'est dans cette optique que l’équipe a travaillé avec notamment Pierre Cottereau à la lumière, Marie Cheminal aux décors et Isabelle Pannetier aux costumes.


Parlez-moi de la musique.


Dès l’écriture, je savais que la musique jouerait un rôle important dans le film. J’avais par exemple choisi la chanson de Belle & Sebastian Get me Away From here I Am Dying pour qu’elle soit reprise par la chanteuse dans le bar où Vincent suit Rosalie. Rythmiquement, même si évidemment cela s’est précisé plus tard avec le monteur Stan Collet, j’avais déjà une idée des moments où la musique interviendrait. J'ai choisi de travailler avec mon frère Martin qui est à la fois chanteur et compositeur de musiques de film. Depuis notre adolescence, j'ai toujours été sensible à son grand talent mélodique. Je sentais qu’il saurait être en osmose avec l’humeur du film. D’autant plus qu’il en avait suivi toutes les étapes puisque nous échangeons beaucoup lui et moi. Du coup, son travail de composition a eu le temps de mûrir. J’avais envie pour ce film de thèmes forts, un pour chacun des trois personnages principaux. Martin me faisait ses propositions au piano et je lui disais ce qui me plaisait ou moins.

 

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Roslie Blum - Noémie Lvosky

Mon opinion

 

Au sujet des principaux protagonistes du film, Noémie Lvovsky déclare : "Le réalisateur évoque des personnages de l’ombre, des gens que beaucoup considèreraient comme étant "de la lose", des gens "de rien"... Julien les regarde et les raconte autrement. Il voit leur grandeur… Le regard de Julien, mêlé à celui de Camille Jourdy, fait de ces gens en marge, gris et invisibles, de grandes et belles personnes."

 

Pour son premier long-métrage, Julien Rappeneau a choisi de porter à l'écran le roman graphique et éponyme de Camille Jourdy. La réussite est inattendue, tendre, mélancolique et joyeuse à la fois.

 

La lassitude de certains côtoie les échecs de quelques autres mais tous les personnages mis en scène avec brio, deviennent attachants. Comme dans les puzzles, qu'affectionne particulièrement Rosalie, chaque séquence trouvera sa juste place. Jusqu'à la toute fin qui restera comme une bouteille lancée dans la mer.

 

La ville de Nevers est, dans l'objectif de Pierre Cottereau, le reflet idéal pour cette libre adaptation parfaitement réussie. Martin Rappeneau signe les musiques originales. Autant de thèmes qui accompagnent avec talent les principaux personnages.

 

Kyan Khojandi est juste et attendrissant. Anémone en mère, ô combien possessive, s'en donne à cœur joie, pour notre plus grand plaisir. Alice Isaaz, Sara Giraudeau et Camille Rutherford rayonnent. Philippe Rebbot et Nicolas Bridet complètent avec talent cet excellent casting. La formidable Noémie Lvovsky rend toutes les situations possibles. Elle illumine l'ensemble.

 

Ce film est à la fois étonnant, brillant, et poétique.

Un moment de cinéma qui fait du bien.

22 mars 2016 2 22 /03 /mars /2016 09:36

 

Date de sortie 16 mars 2016

 

Triple 0 - Affiche


Réalisé par John Hillcoat


Avec Casey Affleck, Chiwetel Ejiofor, Anthony Mackie, Kate Winslet

Aaron Paul, Norman Reedus, Gal Gadot, Clifton Collins Jr., Woody Harrelson


Genre Thriller


Production Américaine

 

Synopsis

 

Ex-agent des Forces Spéciales, Michael Atwood (Chiwetel Ejiofor) et son équipe de flics corrompus, parmi lesquels Marcus Belmont (Anthony Mackie) et Franco Rodriguez (Clifton Collins Jr.), attaquent une banque en plein jour, à Atlanta.

 

Alors qu'il enquête sur ce hold-up spectaculaire, l'inspecteur Jeffrey Allen (Woody Harrelson) ignore encore que son propre neveu Chris (Casey Affleck), policier intègre, est désormais le coéquipier de l'un des malfrats.

 

À la tête de la mafia russo-israélienne, la redoutable Irina Vlaslov (Kate Winslet), insatisfaite,  fait enlever le fils que Michael a eu avec Elena (Gal Gadot), sa soeur. Michael pourra le revoir si son équipe monte un  dernier braquage extrêmement risqué.

 

Michael ne voit qu'une seule issue : détourner l'attention de l'ensemble des forces de police en déclenchant un code "999" – signifiant "Un policier est à terre".

 

Ils choisissent pour victime Chris, qui vient d'intégrer la brigade avec Marcus Belmont pour partenaire...

 

Mais rien ne se passera comme prévu…

 

Triple 9

Le scénariste Matt Cook a eu l’idée de Triple 9, son premier long métrage, en discutant avec un ami au cours d’un périple en voiture à travers le désert : "On faisait le voyage de Phoenix à Las Vegas avec un de mes meilleurs copains, qui est agent infiltré pour la brigade des stupéfiants au sein du Phoenix Police Department, se souvient Cook. J’ai moi-même été soldat et je lui ai donc raconté quelques anecdotes de guerre, et il m’a parlé de l’alerte 999 qu’il avait déclenchée. Je l’ai arrêté pour lui demander de quoi il s’agissait et il m’a répondu que c’était le code d’extrême urgence de la police. Si un flic est touché au cours d’une fusillade, il lance l’alerte 999 et tous les policiers des environs interrompent ce qu’ils sont en train de faire, foncent vers l’agent blessé et oeuvrent sans relâche jusqu’à ce qu’ils attrapent le criminel. Je lui ai alors demandé ce qu’il en était du reste de la ville ? Et il m’a dit : "Elle est livrée à elle-même sans aucune protection policière."
Comprenant que ce dispositif pouvait donner lieu à des situations dramatiques d’une grande richesse, Matt Cook a commencé à écrire les grandes lignes de l’intrigue dès qu’il est rentré à Los Angeles. "Ce concept du code 999 permettait de parler de loyauté, car lorsque votre frère, qui est flic, vous appelle, vous répondez présent, souligne-til. On voulait se poser la question de savoir jusqu’où un type est prêt à aller pour son frère, et puis retourner la proposition en se demandant quel est l’acte le plus épouvantable qu’on puisse commettre."

Originaire du Queensland, John Hillcoatt a passé sa jeunesse en Amérique et au Canada. Après ses débuts dans les beaux-arts, il entre à la Swinburne Film School en Australie, où il réalise des courts métrages très remarqués. En 1988, il réalise son premier long métrage, Ghosts... of the Civil Dead. Le film est nommé à neuf Australian Film Institute Awards, remporte le prix du meilleur film au festival de San Sebastian et se retrouve en compétition à la Mostra de Venise.

Il entame par la suite une carrière de réalisateur de clips pour des artistes comme Nick Cave, Einstürzende Neubauten, Siouxsie and the Banshees, Depeche Mode, Muse, Robert Plant, The Rolling Stones, Bob Dylan et Johnny Cash.

 

John Hillcoat a signé The Proposition réalisé en 2005,  nommé à huit Australian Film Institute Awards et récompensé par l’IF Award du meilleur film.

En 2009, il a réalisé La Route, d’après le roman de Cormac McCarthy, lauréat du Prix Pulitzer.

Trois ans plus tard, il tourne Des Hommes sans loi, sélectionné en compétition officielle au festival de Cannes.
Sous l’égide de sa société Blank Films, il développe plusieurs projets. Il réalise également des vidéo clips et des spots publicitaires primés.

Une fois achevé, le scénario a séduit le réalisateur australien John Hillcoat.


"J’avais lu pas mal de thrillers, et ce qui m’a vraiment intrigué dans le projet de Matt Cook, c’est le dispositif du 999 dont je n’avais jamais entendu parler, précise le réalisateur. Ce code soulève un formidable dilemme moral dans un genre qui a donné lieu à des films extraordinaires. Matt a eu une idée brillante qui nous a permis d’adopter un point de vue original sur cet univers." Cook estime que John Hillcoat est le metteur en scène idéal pour Triple 9. "Quand j’ai terminé le scénario, la production m’a demandé à quels réalisateurs je souhaitais l’envoyer et j’ai immédiatement répondu John Hillcoat, note-t-il. The Proposition est l’un de mes films préférés de tous les temps, si bien que j’étais aux anges quand John a donné son accord. Grâce à la singularité de son approche, le film est encore plus riche en rebondissements et offre largement matière à réflexion."

 

John Hillcoat et son équipe tenaient par-dessus tout à ancrer le film dans l’univers sonore et visuel d’une grande ville américaine contemporaine. "L’essentiel pour moi, c’était de situer Triple 9  dans la réalité, note le cinéaste. J’ai le sentiment que bon nombre de polars se sont éloignés de tout réalisme. Du coup, on a mené pas mal de recherches." Cette recherche d’authenticité a poussé le réalisateur à solliciter les hommes de l’antigang d’Atlanta. "Ils étaient constamment sur le plateau pour nous donner des conseils, et nous éclairer sur la vraisemblance des situations. Pour reconstituer ce contexte, on s’est rendu dans des quartiers infestés de gangs. Dans le film, on le voit bien dans la séquence majeure où Marcus et la brigade antigang de Chris font une descente dans la cité." Le film évoque les brutalités policières, devenues un sujet sensible. "Depuis quelques années, pas mal d’anciens militaires se sont reconvertis dans la police, explique John Hillcoat. On mutualise aussi les ressources. Les policiers sont équipés de chars et de matériel militaire lorsqu’ils donnent l’assaut dans ce genre de quartiers, ce qui provoque un véritable chaos. À mes yeux, c’était un phénomène fascinant à explorer, d’autant plus qu’on travaillait avec des gens qui venaient vraiment de la cité, des mecs qui appartenaient à des gangs et de vrais flics de l’antigang d’Atlanta. On avait des gens de tous bords sur le plateau."

 

Lorsque le nom de John Hillcoat a été associé au projet, Triple 9 a attiré des comédiens exceptionnels, dont la plupart tournent très rarement dans des oeuvres contemporaines. À l’instar de Chiwetel Ejiofor, cité à l’Oscar, dans le rôle de Michael Atwood, ex-agent des Forces Spéciales devenu chef de gang. Loin du Solomon Northup de 12 Years a Slave ou de l’humanitaire scientifique dans Seul sur Mars, Michael n’a rien d’un héros. "Il n’est pas franchement recommandable mais il a quand même un certain courage à sa façon", constate Chiwetel Ejiofor. "Il est corrompu jusqu’à la moelle : il est compromis par sa situation et par le contrôle qu’exercent ces mafieux russo-israéliens sur son fils, seul être humain qui le rattache au monde."

 

Triple 9 - Chiwetel Ejiofor.

Chiwetel Ejiofor est l’un des premiers comédiens à avoir donné son accord, si bien que le réalisateur a pu observer la transformation du comédien tout à loisir. "C’était fascinant de travailler le personnage avec Chiwetel parce qu’il s’agit de l’un des rares acteurs qui s’investissent totalement dans leur rôle, signale le cinéaste."

 

 

Si Chiwetel Ejiofor donne à son personnage un soupçon de vulnérabilité à travers son amour pour son fils Felix, Michael, soldat chevronné, est censé parfaitement maîtriser les armes. Au cours des six semaines précédant le tournage, qui a commencé à l’été 2014, l'acteur s’est entraîné avec le chef-cascadeur Mickey Giacomazzi et l’ancien "Navy Sea" Mark Stefanich pour s’initier aux techniques de combat. "Chiwetel s’est donné à fond, indique Giacomazzi. C’était comme s’il faisait ses classes. Trois fois par semaine, il s’entraînait au tir, il apprenait les différentes postures à adopter et se familiarisait aux armes. Chiwetel s’est vraiment amélioré parce qu’au départ il posait des questions très naïves, alors qu’au bout de six semaines, il me faisait penser à un tueur totalement rôdé. C’était génial. "

Casey Affleck a été salué par la critique pour ses interprétations de criminels endurcis dans The Killer inside me et les Amants du Texas. Il change ici de registre en incarnant Chris Allen, policier intègre.

 

"J’ai souvent interprété des assassins, des criminels et des tordus en tous genres, indique Affleck. Le personnage de Chris Allen m’est apparu comme un pur. Chris a un vrai sens de l’éthique, et il s’y tient malgré toutes les sollicitations dont il est l’objet. Pour moi, c’était formidable de participer à ce grand film choral où l’on rencontre toutes sortes de personnages corrompus et violents. Chris ne change pas, mais la situation le renforce encore dans ses convictions profondes. "

 

Triple 9 - Casey Affleck

 

"Ce n’est pas le Casey Affleck qu’on a vu dans ses films précédents", ajoute le réalisateurt. "Ce qui me plaît, c’est que les acteurs changent radicalement de registre, et c’était donc galvanisant de voir Casey Affleck se transformer en machine à tuer constamment en mouvement, tout en restant un homme foncièrement idéaliste."

 

 

Pour se documenter sur le contexte du film, le comédien s’est embarqué aux côtés de flics d’Atlanta. "Ces mecs ont un boulot très difficile, affirme-t-il. Je n’en voudrai plus jamais à un flic qui me colle une amende pour excès de vitesse. On passe huit heures par jour à sillonner la ville, et parfois à ne rien faire du tout, jusqu’à ce que, soudain, on reçoive un appel : il faut alors foncer à plus de 140 km/h dans une rue résidentielle en prenant le risque de se tuer ou de tuer quelqu’un si on ne fait pas attention. Après ces virées en voiture, je rentrais chez moi épuisé et je dormais quinze heures d’affilée !" Au cours de son entraînement, Casey Affleck a eu l’occasion de rencontrer certains policiers chargés de combattre les gangs, à l’image de son personnage dans le film. "Les flics de l’antigang sont très intelligents et connaissent les rouages de ce milieu avec une précision que je n’aurais pas soupçonnée. Ces types sont voués corps et âme à leur boulot et sont prêts à y sacrifier leur vie. Le fait de passer du temps à leurs côtés m’a permis de mieux cerner mon personnage." reconnaît le comédien.

Alors qu’il cherchait à renouveler la figure classique du salaud, Matt Cook s’est inspiré de la "mafia casher""La mafia italienne, la mafia irlandaise et les cartels mexicains ont souvent été représentés au cinéma, mais nous voulions évoquer un univers inédit", déclare le scénariste. "Je me suis pas mal documenté et j’ai découvert qu’il y avait de nombreux Russo-israéliens en détention pour trafic d’armement et autres crimes. Ces gens-là sont milliardaires mais ne sont pas très connus. On a aussi appris que les organisations criminelles russo-israéliennes sont en général dirigées par une seule personne. Les chefs sont des personnages quasi mythiques, un peu comme Keyser Soze dans Usual Suspects."


Kate Winslet mêle intelligence redoutable, allure menaçante et regard impassible dans l’interprétation de la chef mafieuse impitoyable Irina Vlaslov. Citée à l’Oscar à sept reprises, la comédienne oscarisée se produit rarement dans des films d’action. Mais l’opportunité d’adopter un accent russe et d’incarner un personnage profondément maléfique était irrésistible. "Plutôt que de mettre en scène une organisation mafieuse traditionnellement dirigée par un homme, on a eu l’idée de cette Irina qui est une sorte de Lady Macbeth, à la fois très intelligente et complexe, affirme Matt Cook."

 

Triple 9 - Kate Winslet

 

John Hillcoat s’est montré impressionné par la force et la présence de Kate Winslet sur le plateau. "Pour Irina, il nous fallait quelqu’un qui impose le respect et qui soit plus puissant que tout autre personnage du film", dit-il. "Kate Winslet s’investit à 100% dans ses rôles et, dans le même temps, comme elle vient de la scène britannique, elle travaille son accent avec beaucoup d’application." Si Cook avait prêté à Irina un grand charisme dès le scénario, la comédienne a encore magnifié le personnage grâce à son jeu. "Kate donne une profondeur au rôle qui dépasse largement le cadre des monologues", dit-il. "On ne peut pas détacher son regard de Kate. On arrive parfaitement à croire qu’Irina a participé à des missions avec le Mossad. Dans le même temps, on ressent son amour pour Felix et sa jalousie vis-à-vis de sa soeur qui est d’une grande beauté. C’est Kate qui dégage tout cela sans qu’on puisse l’expliquer."

 

La comédienne israélienne Gal Gadot, campe la sensuelle et ténébreuse Elena, soeur d’Irina. "C’est une âme en peine car Irina l’a toujours reléguée au second plan, elle lui a volé son fils et, d’une certaine façon, lui a même volé son mari," indique- t-elle. "Irina fait beaucoup d’ombre à Elena." Loin de la tension qui règne entre les deux soeurs, Gal Gadot confie qu’elle a adoré donner la réplique à la comédienne anglaise. "Kate est à la fois très sympa, ouverte et douée – je l’adore, dit-elle. Les rapports entre nos deux personnages n’ont rien à avoir avec la réalité. D’ailleurs, je serais folle de joie que Kate soit ma grande soeur !"

L’actrice israélienne ne tarit pas d’éloges sur le réalisateur : "John a su formidablement mettre en scène le scénario de Matt Cook en signant un film choral âpre et nerveux qu’on ne voit pas souvent au cinéma, remarque-telle. Grâce à ses cadrages et à ses éclairages, il a donné un côté très sombre au film et un grain à l’image qui, à mon avis, sont formidables. "

Woody Harrelson, deux fois cité à l’Oscar, a déjà campé des policiers corrompus.

 

Triple 9 - Woody Harrelson"On dirait que je me spécialise dans les flics pourris. Dans ce contexte très noir, Jeffrey garde une certaine légèreté, ce qui permet de donner un peu de subtilité au personnage." confie l'acteur. 

Woody Harrelson explique qu’il a abordé son rôle avec l’intensité qui le caractérise, laissant à Hillcoat le soin de le canaliser en cas de besoin.

 

 

"Ce qui me plaît bien chez John, c’est qu’il n’hésite pas à venir vers moi pour me dire : " Essaie de refaire la scène avec un peu plus de retenue. Ce fonctionnement me convient très bien parce que j’ai toujours tendance à aller dans l’excès dès que j’en ai l’occasion, si bien que j’ai besoin de quelqu’un pour me tempérer un peu." Jeffrey Allen ne respecte sans doute pas la loi à la lettre, mais il est bien intentionné.

 

À l’inverse, Marcus Belmont, membre du gang de flics corrompus, abuse de son autorité pour faire aboutir la machination et l’utilisation frauduleuse du code 999. Pour camper ce prince de la duplicité, le réalisateur a choisi Anthony Mackie qui avait impressionné le réalisateur grâce à son interprétation d’un soldat américain dans Démineurs. "Je n’ai jamais oublié sa prestation dans ce film. Anthony Mackie insuffle une authenticité au personnage qu’il n’aurait pu acquérir à partir de ses lectures. Anthony vit à la Nouvelle-Orléans, si bien qu’il connaît déjà très bien cet univers.

 

Triple 9 -  Anthony Mackie Il s’est aussi beaucoup entraîné à des opérations militaires pour Démineurs et, du coup, il avait déjà intégré un certain nombre de connaissances opérationnelles en débarquant sur le tournage. Il avait même ses propres sources de renseignements qu’il a cultivées au fil des années. Il était enthousiaste à l’idée d’incarner un personnage déchiré par un conflit moral. " affirme le réalisateur.
 

Aaron Paul a su camper magistralement un toxicomane dans la série Breaking Bad qui a lancé sa carrière. En interprétant l’ex-flic perturbé Gabe Welch dans Triple 9, il poursuit son exploration de personnages tourmentés, si ce n’est que Welch est rompu aux tactiques de combat paramilitaire. "C’est un mec paumé. Incontestablement un sale type mais parmi la bande, il est le seul à avoir une conscience morale et à tenter de dissuader ses camarades de ne pas mettre à exécution le stratagème du code 999 qui entraîne la mort d’un policier. C’est ce qui me plaît chez lui. Gabe est celui qui émet l’idée de tuer un flic sur un ton humoristique, sans idée derrière la tête, et sans penser une seconde que les autres le prendront au sérieux. Mais c’est pourtant ce qui se passe." déclare l'acteur. Après avoir subi un terrible deuil, Gabe perd la raison. "Gabe et sa petite amie plongent tête la première dans cet enfer destructeur de drogue et de chaos. Étrangement, je crois que c’est grâce à ça que Gabe garde les idées claires et décide de se mettre en danger pour faire échouer le plan." signale le comédien. Grand admirateur de The Proposition Aaron Paul n’a pas hésité une seconde à travailler avec Hillcoat. "Quand John est aux commandes, on peut être certain que le film sera réaliste, nerveux et sans afféterie – et c’est tout ce que j’aime, reprend-il. C’est d’abord le scénario qui a séduit les comédiens, mais lorsqu’on a su que John signerait la mise en scène, tout le monde a voulu participer à l’aventure. C’était très exaltant."

Le réalisateur a apprécié l’investissement personnel de Aaron Paul qui a même accepté l’étrange coiffure du personnage.

 

Triple 9 - Aaron Paul "On l’a affublé de cette drôle de coupe de cheveux pour suggérer que Gabe est borderline et qu’il est prêt à s’effondrer à chaque instant. Contrairement au loup solitaire et taciturne qu’il incarne, Aaron PaulPaul était constamment ouvert aux suggestions : C’est un formidable partenaire. Grâce à ses rôles précédents, et notamment à son expérience de Breaking Bad, il a vraiment enrichi son personnage." confie le réalisateur.

 

Propos relevés dans le dossier de presse.

Mon opinion

 

Les premières minutes du film demandent une attention particulière pour savoir qui est qui et surtout qui fait quoi. Le scénario, multiplie les personnages et les intrigues, sans, toutefois, les approfondir pour la plupart.

Peu à peu le film prend un envol. Atlanta comme décor. La pauvreté de certains quartiers, dans lesquels la drogue et la prostitution règnent, s'oppose au luxe tapageur de l'autre côté de la ville qui abrite les membres de la mafia israélo russe.

L'image est sombre. Le récit tout autant, cruel et féroce à la fois. La mise en scène rigoureuse est parfaitement maitrisée.

De grands noms au casting. Autant de rôles à peine effleurés dans ce scénario qui ne leur laisse que peu de place pour exister réellement.  Chiwetel Ejiofor, Anthony Mackie et Woody Harrelson tous trois parfaitement justes et excellents. Aaron Paul, inquiétant à souhait et Casey Affleck tout à fait convaincant. Deux femmes dans des participations aussi courtes soient-elles, Kate Winslet, qui semble s'amuser dans ce rôle à contre emploi, et la très belle Gal Gadot.

Un film qui pâtit de ce scénario trop peu fouillé.

 

Triple 9

13 mars 2016 7 13 /03 /mars /2016 18:49

 

Date de sortie 24 février 2016

 

L'Histoire du géant timide


Réalisé par Dagur Kari


Avec Gunnar Jónsson, Ilmur Kristjánsdóttir, Sigurjón Kjartansson,

Franziska Una Dagsdóttir, Margrét Helga Jóhannsdóttir


Genre Drame


Production Islandaise et Danoise

 

Synopsis

 

À 43 ans, Fúsi (Gunnar Jónsson), colosse barbu, timide et maladroit, englué dans un quotidien morose, vit toujours chez sa mère.

 

La vie s’écoule avec monotonie, entre son emploi de bagagiste à l’aéroport le jour et les reconstitutions de batailles historiques sur plateau dans la cave d’un ami, le soir.

 

Lors d’un cours de country, offert par le nouveau compagnon de sa mère comme cadeau d’anniversaire, Fúsi fait la connaissance de la pétillante et fragile Sjöfn (Ilmur Kristjánsdóttir).

 

Cette rencontre bouleverse alors la vie de ce célibataire endurci qui n'aime rien d'autre qu'écouter un morceau de heavy metal à la radio dans sa voiture en regardant la mer...

 

L'Histoire d'un géant timide

Entretien avec Dagur Kári relevé dans le dossier de presse.

 

Dagur Kári est musicien, écrivain et réalisateur. Il est né en France en 1973. Élevé en Islande, il a étudié la réalisation au Danemark de 1995 à 1999. Il a joué dans le groupe Slowblow, qui a écrit la musique de son premier film Nói Albinói, réalisé en 2003.


Aujourd’hui, il occupe le poste de Directeur des Programmes à l’Ecole Nationale du Cinéma au Danemark

 

Qu’est-ce qui vous a donné envie de devenir réalisateur ?


J’allais au cinéma avec mes parents, j’ai toujours aimé ça. En 1989, je me suis rendu au festival de Reykjavik et là, d’un coup, je me suis débrouillé pour voir quatre-cinq films par jour. Down by Law de Jim Jarmush, Les Ailes du désir de Wim Wenders et La Fille aux allumettes d’Aki Kaurismaki sont restés gravés dans ma mémoire. C’est là que, pour la première fois, le cinéma m’est apparu comme un chemin possible, car il rassemblait tout ce qui m’intéressait : la musique (je jouais dans des groupes de rock), l’écriture (je m’y essayais) et l’image (j’avais eu ma phase photographe). Le cinéma a été une révélation, moi qui ne savais pas très bien de quoi serait fait mon avenir. À partir de là, j’ai commencé à aller au cinéma de façon obsessionnelle. Entre seize et vingt ans, on est une éponge, on absorbe tout, on s’imbibe de tout. Ensuite, je suis entré dans une école de cinéma sans oser imaginer qu’un jour je pourrais faire un film. Mais mon film d’études Lost Week end a été très bien reçu, il a fait le tour des festivals et a gagné plein de prix.


Et ainsi vous avez pu financer Nói Albinói ?

 

Exactement. Les idées, les scènes, les situations de Nói Albinói étaient en moi depuis l’âge de seize ans donc je l’ai écrit assez vite. Le héros, Nói, m’habitait depuis longtemps, c’est un peu mon alter ego, en opposé. Il est le contraire de celui que j’étais à cet âge. Il y avait des tas de choses que je rêvais de faire, mais je manquais de courage, alors je prêtais certaines de mes idées à Nói. Et petit à petit, j’ai accumulé des situations, des anecdotes liées à ce personnage que j’ai utilisées pour écrire le scénario. C’est un film très personnel qui témoigne de ce que j’avais en tête à cette époque de ma vie où je cherchais à comprendre qui j’étais. C’est un film qui décrit ce que c’est que grandir en se sentant isolé de tout, c’est pourquoi Nói vit au milieu de nulle part. J’aime étudier les gens, décrire les sentiments et les émotions qui les constituent.

Comment est né  L’histoire du géant timide ?


Pour ce film, je suis parti de Gunnar. Je l’avais vu à la télévision dans une émission satirique où il tenait un petit rôle et je suis tombé sous son charme. Je le trouvais génial, avec une présence absolument unique. Il a un talent fou, un jeu incroyablement naturel.

 

L'Histoire du Géant timide.

Alors, au lieu de cette fonction de faire valoir qu’il occupait dans ce show télé, je l’ai imaginé seul, dans le rôle principal d’un film qui aurait un peu de gravité. Entre temps j’avais fait des films au Danemark et à New York.

 

 

 

Après The Good Heart je n’étais plus sûr du tout d’avoir envie de continuer à faire des films. Et puis un jour, je me suis retrouvé à Keflavik en train d’attendre un avion. J’ai vu ces petites voitures sillonner la piste entre les avions et j’ai eu cette image de Gunnar au volant d’une de ces voitures. Cela s’est imposé à moi et c’est devenu la métaphore centrale du film : l’histoire d’un adulte qui n’a pas coupé le cordon ombilical qui le relie au monde de son enfance. C’est là, en attendant mon avion, que j’ai imaginé l’histoire. Puis l’intrigue s’est enrichie, parce que là-dessus, sur la trame de départ, j’ajoute toujours ce à quoi j’ai pu penser ou réfléchir ou fantasmer depuis
des années.

 

Vous auriez pu suivre une narration de comédie romantique mais vous avez choisi de coller à la réalité. Pourquoi ?


Généralement, une fois que l’intrigue "un garçon rencontre une fille" est posée, l’histoire se déroule comme une pelote de laine. Cela devient vite prévisible.

 

L'Histoire du géant timide ;

 

 

J’ai intentionnellement essayé de donner un tour intéressant à l’histoire et de tordre le cou au cliché. Il me semblait aussi que le personnage de Fúsi méritait une fin différente.

 

 

 

Je voulais que la fin soit à la fois insignifiante et dévastatrice. Nous réalisons que ce qui nous apparaît comme une action banale est pour Fúsi un pas de géant.

 

Quelle étape du processus préférez-vous ?


Comme j’écris, que je réalise et que je compose, tout participe à l’intérêt que je porte à un projet. Chaque étape est fondamentale : l’écriture, puis le tournage, puis le montage et enfin la musique. C’est ce qui me plaît dans le cinéma. Chaque élément est crucial et j’aime chaque moment du processus. C’est vrai que composer est un moment particulièrement agréable, c’est comme apprécier le dessert après un bon repas. Le film est fait, le stress est derrière vous et vous n’avez plus qu’à trouver la musique qui conviendra le mieux au film et vous amuser. Je commence à composer durant le montage, car chacune de ces deux étapes est directement affectée par l’autre. Je n’ai pas écrit de chansons depuis longtemps mais je m’y remettrai sûrement un jour ou l’autre, quand j’atteindrai la cinquantaine. Ce sera un vieux machin démodé, j’imagine…

 

Vous trouvez qu’il y a un lien entre musique et cinéma ?


La musique et le cinéma ont en commun d’être des formes assez banales mais qui ont un accès direct aux émotions du public. Une chanson, ce n’est jamais que : couplet, refrain, couplet, refrain, un pont, le refrain et c’est tout. Un film c’est toujours trois actes, avec quelques moments décisifs pour l’intrigue. On passe son temps, donc, à écouter la même chanson, à regarder le même film, mais les possibilités sont infinies et directement connectées aux vies émotionnelles des gens. La musique passe au-dessus du cerveau pour toucher le coeur des gens. Le film, de la même manière, peut transmettre au spectateur à la fois de l’humour et de la mélancolie. J’essaye toujours dans mes films de trouver le bon équilibre entre rire et tristesse. J’adore l’idée qu’un film vous fasse hurler de rire et à la fois vous bouleverse. Je trouve que, de nos jours, les films sont trop souvent soit l’un, soit l’autre. Moi c’est le mélange des deux qui m’intéresse. Quand les gens rient, ils sont plus disponibles, ils s’ouvrent, ils lèvent leurs barrières. C’est le meilleur moment pour toucher leur coeur.

 

Mon opinion

 

L'ensemble gris et triste nous entraîne du sous-sol d'un aéroport, visiblement peu fréquenté, à des barres d'immeubles comme seul horizon, ou encore un centre de tri de déchets ménagers. À l'extérieur, la neige qui semble tomber en permanence n'arrive pas à garder sa couleur immaculée.

 

Entre du Heavy métal et quelques notes de country, Fúsi le principal protagoniste vit replié sur lui même, avec ce qui semble être sa seule passion, la reconstitution d'une bataille de la deuxième guerre mondiale.

 

Son entourage se résume à peu. Un homme avec lequel il partage sa passion. Une mère abusive et intéressée "Tu ne vas pas me quitter" lancera-t-elle quand elle sentira que son fils de plus de quarante ans voudrait vivre autre chose. Des collègues, qui n'acceptent pas la différence de ce cet homme très enrobé avec ses cheveux gras et longs qui entourent une calvitie bien prononcée, se montreront moqueurs et violents. Geste qu'ils qualifieront plus tard, de simple jeu. D'autres, plus amènes, inviteront Fúsi à partager une soirée pour la diffusion d'un match. Premier geste cordial, dont il semble lui même étonné.

 

Puis aussi la lumière dans le regard d'une petite fille nouvellement installée dans son immeuble. Cette simple rencontre lui vaudra des déconvenues, une autre sera plus décisive pour sa propre vie.

 

La toute fin du film vous arrachera un sourire.

 

"Je voulais que la fin soit à la fois insignifiante et dévastatrice. Nous réalisons que ce qui nous apparaît comme une action banale est, pour Fúsi, un pas de géant." Déclare Dagur Kari.

 

Le spectateur n'a plus qu'à se réjouir pour Fúsi, un homme hors du commun. Un rôle difficile, et impressionnant, interprété avec maestria.

 

Un film dur, fort et magnifique.

 

Merci à Dasola. Sa critique a fini par me convaicre pour aller voir ce film.

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"Le bonheur est la chose la plus simple,

mais beaucoup s'échinent à la transformer

en travaux forcés !"

 
François Truffaut

 

 

 

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